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quoi pouvait-il s'agir?... Pour quelles raisons venait-on ainsi chercher Russell, et sans aucun avis préalable?...
Ce qui augmentait encore nos appréhensions, c'est qu'au bas du dernier escalier on avait remarqué deux
sentinelles armées, avec casques à pointe, qui s'étaient emparé de lui et l'avaient conduit hors de la prison.
Ce même jour, le capitaine Wolff, un des officiers de la Kommandantur, était venu à la prison et l'on savait
que Maclinks avait eu une entrevue avec lui. Nos soupçons se portèrent unanimement sur Maclinks.
Pourquoi? Pour une infinité de raisons qu'il serait trop long d'énumérer ici. Tous les Anglais cessèrent leurs
rapports avec lui. M. Kirkpatrick fut le seul d'entre nous qui continua à lui adresser quelques rares paroles.
Croyant peut-être que Kirkpatrick demeurerait toujours son ami malgré tout, Maclinks lui fit, quelques jours
plus tard, une confession: il lui montra une lettre qui n'était que la copie de celle qu'il disait avoir adressée aux
autorités militaires. Kirkpatrick prit connaissance de cette lettre, et, monstrueuse réalité, c'était une
dénonciation formelle de Russell: il y était dit que Russell avait servi, en Belgique, comme espion aux gages
du gouvernement anglais.
Étonnement et indignation de Kirkpatrick. Maclinks, sans attendre les remarques que pouvait lui faire
Kirkpatrick, lui expliqua, comme pour se justifier, qu'en sa qualité d'officier de réserve autrichien (!) il ne
pouvait se soustraire à son devoir, et que c'était pour obéir à sa conscience qu'il avait dénoncé Russell. On
conçoit aisément l'état d'âme dans lequel se trouva M. Kirkpatrick. Il se leva et menaça Maclinks de le frapper
s'il ne sortait pas immédiatement de sa cellule.
Cet incident, qui fut connu immédiatement par toute la prison, y créa une atmosphère que je ne saurais
décrire. Ce soir-là, tout, était lugubre autour de nous: nous ne savions vraiment de quel côté regarder. Il nous
semblait que chaque cellule recelait un ennemi. Une pareille affaire ne pouvait-elle arriver, un jour ou l'autre,
à chacun de nous? Le spectre des oubliettes et la perspective d'une exécution sommaire nous hantait
horriblement. La position de Maclinks, que nous considérions comme un véritable espion, devint intenable, et
il dut demander un changement. Quelques semaines plus tard, il sortait de la prison pour n'y plus revenir.
Chapitre XX. MACLINKS ET KIRKPATRICK 41
Mille et un jours en prison a Berlin
Il y a ceci de particulier en Allemagne, terre classique de l'espionnage, c'est qu'on se défie formidablement
de tous ceux qui ont pu, occasionnellement, servir d'espions au service même du pays.
Maclinks, il est vrai, sortit de la Stadvogtei, mais des renseignements précis qui nous vinrent du dehors nous
apprirent, par la suite, qu'il était loin d'être en liberté. L'officier de réserve autrichien doit être utilisé pour faire
le tour des prisons de l'Allemagne.
Quant à Kirkpatrick, le plus âgé de nous tous, il demeura, malgré ses hésitations au sujet de Maclinks,
toujours fort respecté et profondément estimé: tous le considéraient comme un sage et un philosophe. Son
humour écossais était du meilleur aloi. Nous voyait-il attablés, deux ou trois, avec du boeuf en conserve et du
pain devant nous, qu'il s'écriait: Je ne puis comprendre en vérité comment il est possible en bonne humanité
de se livrer à un tel luxe de table lorsque le pauvre peuple allemand de cette ville est martyrisé par la faim!
Est-ce que vous ne savez pas que vous êtes ici à purger une sentence mille fois méritée?... C'est ce même
Kirkpatrick qui, un 31 décembre, alors que nous lui demandions comment il espérait franchir le seuil de la
nouvelle année, nous répondit simplement: Vous entendrez parler de moi avant demain! Que voulait-il
dire? Nous l'ignorions entièrement. Nous n'avons pas été longtemps sans le savoir, car un peu plus tard, à
minuit, alors que les cloches de l'église la plus voisine lançaient à tous les échos les douze coups, signal de la
nouvelle année, une fenêtre s'ouvrit dans l'obscurité et une voix de stentor entonna le Rule Britannia!!!
La chanson patriotique était à peine terminée qu'une autre fenêtre s'ouvrit, celle du sous-officier de service
qui, avec force cris et jurons, commanda de faire silence. Le lendemain, lorsque certains de mes compagnons
se présentèrent à ma cellule, je leur posai à chacun la question suivante: Est-ce vous qui avez chanté Rule
Britannia, la nuit dernière? Tous, invariablement, répondaient: Non. Kirkpatrick lui-même fit son
apparition vers les 9 heures. Il avait tout-à-fait le même air que de coutume, et il nous fit ses souhaits de
bonne année. Faisant allusion à l'incident de la nuit précédente, je lui demandai s'il n'avait pas chanté. Il
répondit d'un petit signe de tête négatif, avec un sourire qui en disait fort long sur sa culpabilité. Nous étions
justement à dire, entre nous, qu'il serait préférable de faire le silence autour de l'incident, lorsqu'un
sous-officier se présente et demande à chacun de nous, à l'exception toutefois de Kirkpatrick, si nous n'étions
pas l'auteur de ce qui était arrivé durant la nuit. Chacun en répondant la franche vérité, pouvait nier
positivement. On interrogea tous les Anglais, l'un après l'autre, de cellule en cellule. C'était la même réponse
partout. Le seul auquel on ne se hasarda pas à poser la question fut Kirkpatrick dont l'apparente gravité ne
pouvait prêter aux soupçons. Nous en avons beaucoup ri!
Chapitre XXI. UN SUISSE ET UN BELGE
Un des cas d'internement qui fera le plus de bruit, après la guerre, sera certainement celui de M. Hintermann,
un Suisse. En mentionnant ce cas dans une publication du genre de celle que je fais en ce moment, je dois
garder une certaine réserve et m'abstenir de livrer au public certains détails qui jetteraient une lumière trop
vive sur les agissements de quelques employés du Ministère des Affaires Étrangères en Suisse.
M. Hintermann était suisse de naissance. Il n'avait jamais renoncé à sa nationalité en ce sens qu'il n'avait
jamais été naturalisé dans un pays étranger. Il habitait Londres avec sa famille et était en relations d'affaires
avec une firme importante de cette ville.
Venu en Suisse au cours de l'été 1915, pour certaines affaires, il décida de se rendre à Berlin. Il lui fallait pour
cela un sauf-conduit signé par le ministre allemand à Berne. Il obtint ce sauf-conduit sans la moindre
difficulté, mais son départ pour Berlin, qui devait être fixé, naturellement, par le ministre allemand, fut retardé
de quelques jours. Enfin, M. Hintermann put quitter la Suisse sur un train à destination de Berlin, mais à la
première gare sur le territoire allemand, il fut appréhendé au corps par deux casques à pointe. On l'emmena
dans la gare, et là, M. Hintermann, en promenant ses regards un peu partout, remarqua sur la table du chef de
Chapitre XXI. UN SUISSE ET UN BELGE 42
Mille et un jours en prison a Berlin
gare une dépêche venant de Suisse le concernant. On l'emmena à Berlin où il fut enfermé dans la prison de la
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