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qui ne savent pas combien de fois ce fut une lâcheté. Son nom étant une fois devenu synonyme d'Ogre, on lui
sait gré de tout ce qui sort un peu des habitudes du bourreau. Si l'on trouve dans son histoire qu'il a souri à un
petit enfant et qu'il a mis des bas de soie, cela devient trait de bonté et d'urbanité. En général, le Paradoxe
nous plaît fort. Il heurte l'idée reçue, et rien n'appelle mieux l'attention sur le parleur ou l'écrivain. - De là les
apologies paradoxales des grands tueurs de gens. - La Peur, éternelle reine des masses, ayant grossi, vous
dis-je, ces personnages à tous les yeux, met tellement en lumière leurs moindres actes qu'il serait malheureux
de n'y pas voir reluire quelque chose de passable. Dans l'un ce fut tel plaidoyer hypocrite ; en l'autre, telle
ébauche de système, tous deux donnant un faux air d'orateur et de législateur ; informes ouvrages où le style,
empreint de la sécheresse et de la brusquerie du combat qui les enfantait, singe la concision et la fermeté du
génie. Mais ces hommes gorgés de pouvoir et soûlés de sang, dans leur inconcevable orgie politique, étaient
médiocres et étroits dans leurs conceptions, médiocres et faux dans leurs oeuvres, médiocres et bas dans leurs
actions. - Ils n'eurent quelques moments d'éclat que par une sorte d'énergie fiévreuse, une rage de nerfs qui
leur venait de leurs craintes d'équilibristes sur la corde, et surtout du sentiment qui avait comme remplacé leur
âme, je veux dire l'émotion continue de l'assassinat.
Cette émotion, monsieur, poursuivit le Docteur en se croisant les jambes et prenant une prise de tabac
plus à son aise, l'émotion de l'assassinat tient de la colère, de la peur et du spleen tout à la fois. Lorsqu'un
suicide s'est manqué, si vous ne lui liez les mains, il redouble (tout médecin le sait). Il en est de même de
l'assassin, il croit se défaire d'un vengeur de son premier meurtre par un second, d'un vengeur du second dans
le troisième, et ainsi de suite pour sa vie entière s'il garde le Pouvoir (cette chose divine et sainte à jamais à
ses yeux myopes ! ). Il opère alors sur une nation comme sur un corps qu'il croit gangrené : il coupe, il
taille, il charpente. Il poursuit la tache noire, et cette tache, c'est son ombre, c'est le mépris et la haine qu'on a
de lui : il la trouve partout. Dans son chagrin mélancolique et dans sa rage, il s'épuise à remplir une sorte de
tonneau de sang percé par le fond, et c'est aussi là son enfer.
XX. Une histoire de la Terreur 58
Les consultations du docteur Noir ; Stello : première consultation ; Daphné : seconde consultation du docteur Noir
Voilà la maladie qu'avaient ces pauvres gens dont nous parlons, assez aimables du reste.
Je les ai, je crois, bien connus, comme vous allez voir par les choses que je vous conterai, et je ne
haïssais pas leur conversation ; elle était originale, il y avait du bon et du curieux surtout. Il faut qu'un
homme voie un peu de tout pour bien savoir la vie vers la fin de la sienne - science bien utile au moment de
s'en aller.
Toujours est-il que je les ai vus souvent et bien examiné ; qu'ils n'avaient pas le pied fourchu, qu'ils
n'avaient point de tête de tigre, de hyène et de loup, comme l'ont assuré d'illustres écrivains ; ils se coiffaient,
se rasaient, s'habillaient et déjeunaient. Il y en avait dont les femmes disaient : Qu'il est bien ! Il y en avait
plus encore dont on n'eût rien dit s'ils n'eussent rien été ; et les plus laids ont ici d'honnêtes grammairiens et
de polis diplomates qui les surpassent en airs féroces, et dont on dit : Laideur spirituelle ! - Idées ! idées en
l'air ! phrases de livres que toutes ces ressemblances animales ! Les hommes sont partout et toujours de
simples et faibles créatures plus ou moins ballottées et contrefaites par leur destinée. Seulement les plus forts
ou les meilleurs se redressent contre elle et la façonnent à leur gré au lieu de se laisser pétrir par sa main
capricieuse.
Les Terroristes se laissèrent platement entraîner à l'instinct absurde de la cruauté et aux nécessités
dégoûtantes de leur position. Cela leur advint à cause de leur médiocrité, comme j'ai dit.
Remarquez bien que, dans l'histoire du monde, tout homme régnant qui a manqué de grandeur
personnelle a été forcé d'y suppléer en plaçant à sa droite le bourreau comme ange gardien. Les pauvres
Triumvirs dont nous parlons avaient profondément au coeur la conscience de leur dégradation morale.
Chacun d'eux avait glissé dans une route meilleure, et chacun d'eux était quelque chose de manqué : l'un,
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