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supérieures. L'ermite parlait de la destinée, de la justice, de la morale, du souverain bien, de la faiblesse
humaine, des vertus, et des vices, avec une éloquence si vive et si touchante, que Zadig se sentit entraîné vers
lui par un charme invincible.Il le pria avec instance de ne le point quitter, jusqu'à ce qu'ils fussent de retour à
Babylone. Je vous demande moi-même cette grâce, lui dit le vieillard; jurez-moi par Orosmade que vous ne
vous séparerez point de moi d'ici à quelques jours, quelque chose que je fasse. Zadig jura, et ils partirent
ensemble.
Les deux voyageurs arrivèrent le soir à un château superbe. L'ermite demanda l'hospitalité pour lui et pour le
jeune homme qui l'accompagnait. Le portier, qu'on aurait pris pour un grand seigneur, les introduisit avec une
espèce de bonté dédaigneuse. On les présenta à un principal domestique, qui leur fit voir les appartements
magnifiques du maître. Ils furent admis à sa table au bas bout, sans que le seigneur du château les honorât
d'un regard; mais ils furent servis comme les autres avec délicatesse et profusion. On leur donna ensuite à
laver dans un bassin d'or garni d'émeraudes et de rubis. On les mena coucher dans un bel appartement, et le
lendemain matin un domestique leur apporta à chacun une pièce d'or, après quoi on les congédia.
Le maître de la maison, dit Zadig en chemin, me paraît être un homme généreux, quoique un peu fier; il
exerce noblement l'hospitalité. En disant ces paroles, il aperçut qu'une espèce de poche très large que portait
l'ermite paraissait tendue et enflée: il y vit le bassin d'or garni de pierreries, que celui-ci avait volé. Il n'osa
d'abord en rien témoigner; mais il était dans une étrange surprise.
CHAPITRE XX. L'ermite[1]. 32
Zadig
Vers le midi, l'ermite se présenta à la porte d'une maison très petite, où logeait un riche avare; il y demanda
l'hospitalité pour quelques heures. Un vieux valet mal habillé le reçut d'un ton rude, et fit entrer l'ermite et
Zadig dans l'écurie, où on leur donna quelques olives pourries, de mauvais pain, et de la bière gâtée. L'ermite
but et mangea d'un air aussi content que la veille; puis s'adressant à ce vieux valet qui les observait tous deux
pour voir s'ils ne volaient rien, et qui les pressait de partir, il lui donna les deux pièces d'or qu'il avait reçues
le matin, et le remercia de toutes ses attentions. Je vous prie, ajouta-t-il, faites-moi parler à votre maître. Le
valet étonné introduisit les deux voyageurs: Magnifique seigneur, dit l'ermite, je ne puis que vous rendre de
très humbles grâces de la manière noble dont vous nous avez reçus: daignez accepter ce bassin d'or comme
un faible gage de ma reconnaissance. L'avare fut près de tomber à la renverse. L'ermite ne lui donna pas le
temps de revenir de son saisissement, il partit au plus vite avec son jeune voyageur. Mon père, lui dit Zadig,
qu'est-ce que tout ce que je vois? Vous ne me paraissez ressembler en rien aux autres hommes: vous volez un
bassin d'or garni de pierreries à un seigneur qui vous reçoit magnifiquement, et vous le donnez à un avare, qui
vous traite avec indignité. Mon fils, répondit le vieillard, cet homme magnifique, qui ne reçoit les étrangers
que par vanité, et pour faire admirer ses richesses, deviendra plus sage; l'avare apprendra à exercer
l'hospitalité: ne vous étonnez de rien, et suivez-moi. Zadig ne savait encore s'il avait affaire au plus fou ou au
plus sage de tous les hommes; mais l'ermite parlait avec tant d'ascendant, que Zadig, lié d'ailleurs par son
serment, ne put s'empêcher de le suivre.
Ils arrivèrent le soir à une maison agréablement bâtie, mais simple, où rien ne sentait ni la prodigalité ni
l'avarice. Le maître était un philosophe retiré du monde, qui cultivait en paix la sagesse et la vertu, et qui
cependant ne s'ennuyait pas. Il s'était plu à bâtir cette retraite dans laquelle il recevait les étrangers avec une
noblesse qui n'avait rien de l'ostentation. Il alla lui-même au-devant des deux voyageurs, qu'il fit reposer
d'abord dans un appartement commode. Quelque temps après, il les vint prendre lui-même pour les inviter à
un repas propre et bien entendu, pendant lequel il parla avec discrétion des dernières révolutions de
Babylone. Il parut sincèrement attaché à la reine, et souhaita que Zadig eût paru dans la lice pour disputer la
couronne; mais les hommes, ajouta-t-il, ne méritent pas d'avoir un roi comme Zadig. Celui-ci rougissait, et
sentait redoubler ses douleurs. On convint dans la conversation que les choses de ce monde n'allaient pas
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